L’impact des grands évènements sportifs sur le tourisme - Brice Duthion, CEO, Les nouveaux voyages extraordinaires - ADN Tourisme

L’impact des grands évènements sportifs
sur le tourisme – Brice Duthion, CEO, Les nouveaux
voyages extraordinaires

18 janvier 2024
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Après l’accueil de la coupe du monde du rugby et à l’aube des JO sur le sol français, comment les destinations françaises surfent-elles sur la tendance pour attirer plus de public ? Quelle résonance peut avoir la diffusion d’une charte de l’hospitalité́ par les territoires ?

Les grands évènements sportifs rythment nos vies. Parmi ceux qui sont le plus regardés, et dont l’audience dépasse largement le strict cadre de la pratique sportive, mais sont devenus ce que Pascal Ory identifie comme des éléments de « mythologie nationale » ou de l’une des dernières expressions de fierté d’appartenance à une communauté, certains évènements relèvent d’influences culturelles qui échappent totalement à nos repères francophones. C’est le cas du Super Bowl américain, avec ses 500 millions de téléspectateurs dans le monde, et plus encore de la Coupe du monde de cricket, sport pratiqué notamment en Inde, au Sri Lanka, en Angleterre et dans quelques autres pays du Commonwealth, suivie en 2019 par plus de 2,5 milliards de téléspectateurs. L’impact des grands évènements se mesure donc de façon assez simple par leurs audiences médiatiques.

Ainsi, même si les classements n’ont pas grand sens, tant la multiplicité des supports de communication rend difficile de quantifier ou de qualifier les audiences réelles, quelques évènements sont devenus des faits sociétaux globaux et sont suivis pas des centaines de millions, voire quelques milliards de personnes dans le monde.

On y trouve bien entendu les grandes manifestations de football masculin (Ligue des Champions, Euro, Coupe du monde) mais aussi désormais la Coupe du monde de football féminin, comme les Jeux Olympiques d’hiver et d’été. D’autres événements sportifs mettent en lumière des sports mécaniques (les Grands Prix de Formule 1 ont une audience moyenne estimée à 100 millions de téléspectateurs) ou bien, à l’image du Tour de France, l’extraordinaire variété des paysages auxquels sont confrontés les champions cyclistes désormais mondialisés ainsi que la fête populaire annuelle qui célèbre chaque village traversé. « S’il faut de tout pour faire un monde, il faut du monde pour faire un tour » comme l’écrivit Antoine Blondin…

Photo de Pixabay sur Pexels

L’accueil des JO à Paris en 2024 est un évènement assurément séculaire. Et ce n’est pas une première, même si la question de l’impact, de l’héritage et de la pérennité des infrastructures n’a pas toujours été au cœur des préoccupations des premiers jeux organisés en France. Les JO de Paris de 1900 ont eu lieu dans le cadre de l’Exposition universelle. Ces « concours internationaux d’exercices physiques et de sports » se sont tenus sur plus de cinq mois, de mai à octobre, mêlant près de 1000 athlètes et plus de 58 000 participants aux épreuves populaires de ballons, de pêche à la ligne et de tir au canon. Si le sport est parfois présenté dès cette date comme une « nouvelle religion », son impact direct est contesté tant le « fatras d’épreuves plus ou moins officielles, amateurs et professionnelles, éparpillées aux quatre coins de la capitale » ne laissa par grand souvenir. Finalement, la construction de la ligne 1 du métropolitain permet de graver dans la vie quotidienne des Parisiens un héritage jusqu’à aujourd’hui.

Bibliothèque nationale de France

Les JO de Paris 1924 inscrivent davantage l’évènement sportif dans la ville, par la construction d’un « village olympique », une réunion des athlètes venus du monde entier en un lieu clos, comme symbole concret de l’union des peuples par le sport, par l’organisation d’une cérémonie de clôture ou l’adoption de la devise « Citius, Altius, Fortius ».

Qu’en est-il des derniers grands évènements organisés en France ?

Lors de l’Euro 2016 de football organisé en France, ce sont près de 550. 000 touristes étrangers qui sont venus spécifiquement en France pour une durée moyenne de séjour de 7,9 jours. Si les revenus directs totaux générés par la Coupe du Monde de rugby 2023 ont été estimés à plus de 750 millions € (51% pour la billetterie, 36% pour les hospitalités et 13% environ pour le marketing), l’impact de l’organisation d’un évènement totalement gratuit pour les spectateurs comme le Tour de France se mesure à la fréquentation des villes étapes, des villes arrivées ou de celle des lieux hautement symboliques du parcours (montée de l’Alpe d’Huez par exemple). L’arrivée de la 12ème étape du Tour de 2023 à Belleville-sur-Saône a nécessité un investissement à minima de 120.000 € HT pour la collectivité. La mesure de la fréquentation sur le territoire par Flux Vision, outil développé par Orange, a estimé à un apport de 17.000 visiteurs sur le territoire de l’intercommunalité, 70 % venant de France et 30 % de l’étranger. Traditionnellement, on estime que pour 1 € investi par la collectivité, le passage du Tour génère entre 1,50 à 2€ de retombées.

A Albi, le passage du Tour 2019, année d’exploits de Thibault Pinot et Julian Alaphilippe, les retombées ont été estimées à plus de 1,5 million € (ruée observée sur les pressings et les coiffeurs, fréquentation en augmentation de plus de 200% sur site Internet de l’Office de Tourisme). En moyenne, ce sont plus de 2.600 excursionnistes qui sont comptabilisés pour les villes de départ ou d’arrivée du Tour de France féminin relancé en 2022. Les impacts mesurés ne sont pas que financiers. Les retombées presse sont également importantes. La médiatisation du dernier passage du Tour de France à Brest a été quantifiée à 290 retombées par semaine (pour une valorisation financière hebdomadaire moyenne de 165 K€ bruts).

Quelques autres exemples peuvent être pris ailleurs. Le Grand Prix de Formule 1 de Monaco qui est l’évènement de plus grande envergure organisé annuellement en Principauté. Le Grand Prix représente de loin le plus haut pic de fréquentation de l’héliport au cours de l’année (1.600 rotations en quatre jours), un taux d’occupation proche de 100 % dans les hôtels de la Principauté (et idem dans les hôtels des communes azuréennes de proximité, etc.). Une étude réalisée en 2017 évaluait le total des retombées économiques liées au Grand Prix à 90 millions € (soit 1,5 % du PIB monégasque).

Port Hercule and Monaco Grand Prix track The circuit, whic… Flickr

Les retombées notamment touristiques ont renforcé jusqu’alors l’acceptabilité des grands évènements sportifs auprès des populations accueillantes. Dans le fond, la question de l’impact des évènements sportifs n’est pas tellement ancienne. Les JO de Montréal, en 1976, ont été les premiers organisés au Canada, après six candidatures infructueuses pour un coût de 1,5 milliard $ (treize fois plus que le budget estimé, il a fallu trente ans pour combler le déficit…). Les récentes organisations pharaoniques en 2022 des Jeux Olympiques d’hiver de Pékin (estimés finalement à près de 35 milliards €) et de la Coupe du monde de football au Qatar (plus de 220 milliards $ dépensés) laissent penser que ces organisations sont devenues anachroniques et déplacées, à la fois d’un point de vue financier, mais aussi et sans surtout selon un angle social et environnemental. L’empreinte carbone de la Coupe du monde du Qatar est estimée proche de 1.000 tonnes de CO2 ramenée à une minute de jeu, soit plus que l’émission moyenne d’un Français pour sa vie entière. Celle de la Coupe du Monde de Rugby 2023 est estimée à 640 000 tonnes de CO2 (soit l’équivalent des émissions annuelles de 64 000 Français).

Des critiques sont alors exprimées depuis déjà longtemps et ne cessent de s’amplifier. Elles jugent l’ensemble des impacts et des coûts (y compris écologiques et sociétaux) trop élevés. Ce qui explique le nombre élevé de villes ayant refusé durant les dernières années de candidater à l’organisation notamment des Jeux olympiques. Les exemples sont nombreux des miracles qui ne se sont pas produits. Les nombreuses infrastructures olympiques abandonnées à Athènes après l’organisation des JO d’été de 2004 et le coût de la dette qui a plombé l’économie grecque ou la croissance très ralentie de l’économie brésilienne en 2014, année d’organisation de la Coupe du monde de football.

Mais les discours peuvent être plus positifs en matière d’impact des évènements sportifs. Si le gigantisme a été la marque de fabrique de la deuxième moitié du 20ème siècle, on observe notamment durant la dernière décennie de nouvelles prises de conscience qui impactent fortement et positivement l’organisation des évènements sportifs. Les évènements contribuent grandement aux économies locales et les transforment en terres d’hospitalité. De nombreux trails sont ainsi organisés dans de nombreux massifs montagneux. A côté des géants comme l’UTMB Mont-Blanc (plus de 10.000 inscrits, 23 millions d’euros de dépenses sur le territoire en 2022) ou La diagonale des fous à La Réunion (10 millions de retombées économiques estimées), de nombreuses courses visent la modestie et aspirent à la sobriété. C’est le cas notamment dans les massifs de moyenne montagne, comme le Jura, les Vosges ou le Morvan, où les participants sont le plus souvent des publics familiaux qui viennent communier avec la nature et profiter des attraits touristiques locaux. De nombreux autres évènements sportifs jalonnent la vie des villages et des petites villes françaises. Ici un concours de pétanque, là un tournoi de football ou de volley, juste de quoi affirmer le plaisir de vivre ensemble et de faire société. Il suffit de se promener dans chaque territoire pour s’en rendre compte lors des ponts du mois de mai !

Une tendance de fond vise également à préserver le capital environnemental des destinations lors des évènements et favoriser leurs impacts sur le capital social et humain. Les petits évènements ont aujourd’hui la côte, ils semblent bénéficier à une large part de la population locale et renforcent le sentiment d’appartenance à la communauté locale. De même leur legs socio-économique pour le territoire semble plus tangible. L’exemple de « La grande Odyssée VVF », à évènement à visage humain, en constitue un bon exemple.

C’est dans cette logique que le label « Terre de Jeux 2024 » a été créé pour donner un visage humain aux prochains Jeux olympiques et paralympiques, pour fédérer une communauté d’acteurs locaux convaincus que le sport change les vies. L’ambition de ce label, porté par plus de 4500 collectivités françaises, est de « mettre plus de sport dans le quotidien des Français », « plus de sport pour l’éducation, la santé, l’inclusion ». Ces initiatives feront sans doute émerger « les champions de demain », notamment dans les petites communes « là où on a tous commencé » comme le dit Tony Estanguet, président de Paris 2024. Ces impacts nouveaux, sociaux et environnementaux, sont un défi pour les futurs évènements organisés en France, les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris de 2024 et ceux d’hiver de 2030, promis à la candidature conjointe des Régions Auvergne – Rhône – Alpes et PACA.

Ils justifient des démarches innovantes liées notamment à l’intelligence artificielle pour valoriser les impacts positifs de tels évènements. C’est ce qui a présidé assurément à la rédaction de la Charte de l’hospitalité d’ADN tourisme, qui précise les contours d’une définition commune de l’hospitalité, autour notamment de l’accueil personnalisé du visiteur, la capacité d’ouvrir sa porte et son territoire et l’affirmation d’une démarche sociétale portée par toutes et tous.

Brice Duthion

CEO, Les nouveaux voyages extraordinaires

brice.duthion@gmail.com